Lille, Samedi 31 octobre 1914
Chère Mlle Wilson,
Voici deux jours que je garde votre lettre dans ma poche, proche de mon coeur. A mon immense regret, votre doux parfum de rose s’atténue peu à peu. Demain matin, mon régiment et moi-même partons pour la Marne récupérer les derniers blessés et les amener à l’église où s’est installée la Croix-Rouge.
Chaque jour, des dizaines soldats partent au front mais peu en reviennent intacts. Je vois tous les jours des blessures qu’on ne peut imaginer. Je ne sais si être médecin est plus lourd à supporter qu’être soldat au front.
Une nuit mon assistant m’a réveillé. En sortant de ma tente, j’ai découvert un Poilu qui a décidé de se libérer de ses souffrances par la mort.
Le lendemain, le Général informe ses soldats que le suicide n’est pas une solution; cet acte est une trahison envers la patrie. Sa famille ne recevra aucune prime. Cette déclaration élève un mouvement de haine envers le soldat. Un des combattants déclare : “Comment peut-il nous lâcher, nous laisser crever ici ?!”
Je suis sans voix face aux réactions des soldats. Il est mort.
J’ai été touché par l’état alarmant de votre père. Je vous promets qu’en rentrant nous ferons, tous ensemble, un lunch au sommet de la montagne Liathach en oubliant toutes ces horreurs.
Votre bien-aimé William Keynes